Isaline Sager-Weider
Chroniques des ambassadrices

Paris 2024 – Isaline Sager-Weider : « Pas un mot, pas un appel, pas une once de courage de qui que ce soit… »

Isaline Sager-Weider
09.07.2024

Voici la chronique d’Isaline Sager-Weider, joueuse professionnelle de volley-ball depuis 2007. Elle évolue au poste de contreuse centrale. Joueuse de l’équipe de France depuis 2012 et vainqueure de la Golden League en Juin 2022, elle a remporté la médaille de bronze au championnat du monde militaire en juin 2018. Elle est également vice-championne de France avec l’ASPTT Mulhouse volley de 2009 à 2012, et trois fois championne de France espoir de 2007 à 2009. Elle joue actuellement pour le Volley Mulhouse Alsace. Elle est engagée dans le syndicat des joueurs Prosmash et en faveur du volley santé. 

 

Avril 2024 – Pourtant cela fait déjà une semaine que l’annonce a été faite, mais j’ai toujours la gorge nouée et quelques larmes qui coulent quotidiennement sans raisons et surtout sans prévenir bien que je puisse rigoler la minute d’avant. La brume qui occulte mes yeux vient sans prévenir surtout quand je pense à la manière dont j’ai été respectée ou plutôt non respectée. Pas l’ombre d’une communication, où est ce simplement de la lâcheté ?

Il y a quelques jours j’ai reçu un courrier au format PDF non nominatif (écrire mon prénom et nom de famille aurait été la moindre des choses) dans un message WhatsApp sans mot. C’était précisément le lendemain de notre défaite en finale de la coupe de France alors que l’émotion et la déception étaient encore fortement présentes. Comme si ce timing était destiné à blesser plus profondément encore. 

Le titre du courrier exact était : « courrier non-sélection ».

J’ai lu la première ligne et n’ai même pas réussi à aller au bout de ce tas de blabla impersonnel. Je n’ai même pas eu la chance de m’exprimer ou de faire mes preuves sur le terrain. On abrège ma carrière internationale simplement avec un sms.

 

De l’investissement sans retour

Voilà comment après avoir porté le maillot bleu, blanc, rouge depuis mon adolescence en passant des équipes de France jeunes au seniors depuis 2012, le système m’a remercié à l’aube des Jeux Olympiques. Pas un mot, pas un appel, pas une once de courage de qui que ce soit…

Le choix de sélectionner telle ou telle athlète pour des raisons techniques, tactiques, physiques relève entièrement de la liberté du sélectionneur… mais ne pas respecter l’athlète, l’être humain, les relations passés, les étés et années à se sacrifier pour une équipe, les discussions interminables au téléphone, dans l’avion, les rires, les larmes, les émotions partagées pour ne pas mériter une seule minute au téléphone ?

Cela fait plusieurs années que le mot d’ordre de cette équipe de France est « la transparence ».

Mot répété sans cesse lors des réunions et discours depuis des années. Je m’interroge, quand on parle de transparence, ne parle-t-on pas de communication transparente et surtout transversale, réciproque et respectueuse? Le silence semblerait être l’arme fatale de la lâcheté finalement.

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Le volley-ball mérite-t-il cela ? 

Écœurée du système, de la manière dont nous sommes utilisées comme des chiffons, des corps sans âme, sans émotions et surtout sans respect, je ne vois pas comment envisager à ce jour d’entraîner des jeunes vers ce monde ? De leurs faire croire que si elles aussi sacrifient tout, elles seront si heureuses dans cette vie.

Je crois que le volley de haut-niveau et moi-même avons besoin d’une pause.

Volley Mulhouse Alsace remercie Isaline Sager-Weider pour sa belle dernière saison. Une retraite qui ne sera pas célébrée aux JO de Paris 2024.

Volley Mulhouse Alsace remercie Isaline Sager-Weider pour sa belle dernière saison. Une retraite qui ne sera pas célébrée aux JO de Paris 2024. ©Carbone Café VMA

Nous sommes dans le train, de retour de Paris, Mulhouse comme destination finale. Mes coéquipières sont silencieuses face à ma réaction, elles aussi sous le choc. Silke me prend dans ses bras, Léa me tient la main, Leni ma kiné me dit des mots réconfortants mais malheureusement je suis inconsolable.

Et, dans quelques années que restera-t-il ? Le souvenir de belles coéquipières, de coachs, de kinés, ostéos et statisticiens, d’amitiés, de rencontres, de magnifiques émotions partagées, de peine, de fous rires avec de belles personnes avec qui nous aurons vécu un bout de vie si intense. S’attacher et se souvenir de ces âmes qui t’ont soutenue et qui t’ont montré chaque jour à quel point tu es importante pour elles, pour ton équipe même si ce n’est que le temps d’une saison. Laisser une emprunte dans chaque club où tu es passée. Le reste n’aura plus aucun sens et les « autres » deviendront insignifiantes. Et comme dirait mon amoureux : encore une fois c’est une décision qu’on a prise pour toi, mais cette fois-ci c’est la dernière. Même si ça donne le vertige d’avoir le choix, j’ai désormais le choix. Je suis libre maintenant.

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Crédit photo : Just Focus

Isaline Sager-Weider
09.07.2024

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